L'ART DE RECEVOIR SELON... SERVANE GIOL

Par amour, elle quitte Paris et la Rive Gauche, où elle grandit entre l’École Alsacienne et les bancs de la faculté de droit d’Assas.
Direction Venise, ville d’eau et de lumière, qu’elle ne quittera plus. Vingt-cinq ans plus tard, Servane Giol est devenue l’âme discrète mais vibrante de la Sérénissime.
Fine connaisseuse des arts de la table, passionnée par l’artisanat vénitien, elle fait rayonner l’art de vivre local à travers ses ouvrages – dont l’éblouissant "Venise – Invitation privée" – et, plus récemment, "The Queen of the Dolomites", une échappée au cœur de Cortina d’Ampezzo, station fétiche des Vénitiens en quête d’air pur.
Dans son palais du Grand Canal – le Palazzo Falier Canossa – Servane reçoit avec une grâce presque cinématographique, et chaque détail rend hommage au savoir-faire des artisans.
Servane, quelles sont vos sources d'inspiration ?
Ma ville, Venise. Rien n’y est jamais banal, de son art de vivre aux personnes qui y ont vécu ou qui y sont passées.
Je pense à la marquise Casati, cette icône fantasque, muse de Boldini, qui organisait des fêtes extravagantes devenues légendaires.
Ou à Mariano Fortuny, génie des tissus et de la lumière, dont les créations traduisent l’orientalisme que j’affectionne, ayant vécu en Asie.
La scène de l’art, et surtout l’art contemporain, qui vit à travers la Biennale tous les deux ans. Les artistes du monde entier passent par ici. La récente exposition d’Anselm Kieffer au palais ducal est mémorable. Ou encore celle de l’artiste Sean Scully que nous avons eu la chance d’exposer dans notre palais.
Le livre « Venetian Life » de William Dean Howells, que j’ai toujours à portée de mains. Publié en 1866, il offre un regard sensible et plein d’esprit sur Venise – un merveilleux exercice de comparaison avec la ville d’aujourd’hui.
Quelles sont les tables et ambiances qui vous séduisent ?
J’aime les tables authentiques : quand elles reflètent la personnalité de la personne qui reçoit ou quand cette dernière arrive à nous faire voyager dans son univers et nous transmettre ses passions.
Mais surtout, la table doit dialoguer avec le lieu : ses matériaux, son artisanat, son héritage. À Venise, c’est presque naturel grâce à la richesse des savoir-faire locaux. Une nappe en dentelle de Burano, quelques verres soufflés à Murano… et la magie opère.

Quel est le petit plus pour une jolie table au quotidien ?
Ne pas avoir peur d’utiliser de jolis verres !
Trop souvent, une table parfaitement dressée est trahie par des verres ordinaires. À Venise, cela ne pardonne pas…

Quels sont les incontournables pour une belle réception ?
Un éclairage travaillé – doux, enveloppant, presque secret.
Et… le placement des invités ! Oui, j’assume. C’est tout un art. Une belle conversation naît souvent d’une rencontre bien orchestrée, en fonction des langues, des affinités, des curiosités partagées.
Une personnalité à votre table ?
Difficile de choisir… le monde entier passe a Venise…
Peut-être la plus originale rencontrée récemment : Nicole Stott, astronaute américaine. Écouter sa perception de Venise, vue de l’espace, est une conversation inoubliable.
Vos bonnes adresses en art de la table ?

Pour les verres de Murano, je suis fidèle à France Thierard pour ses pièces colorées, et à Giberto Arrivabene, au pont du Rialto, pour ses lignes graphiques.
Jesurum, pour le linge de table d’exception.
Et côté fleurs, deux artisanes que j’admire : Benedetta Gaggia, avec ses délicates compositions en perles de verre, et Marta Nardi, qui crée des merveilles en papier.
Une recette fétiche à partager ?
Le risi Bisi ! Risotto aux petits pois incontournable à Venise le jour de San Marco.